L'Himalaya et moi

Publié le par erranceindienne.over-blog.com

z4L'Himalaya et moi ce n'est pas de l'histoire si ancienne. Six ans quand meme, mes premiers trecks au Nepal et l'escapade au Tibet... Premiere experience en Asie dont il m'etait reste l'attachement a ces gens qui vivent la montagne et les hauts plateaux. Un souvenir qui m'est soudainement revenu  lors de l'experience indienne, plus deroutante peut-etre mais un tantinet moins sereine... Dans la plaine, j'ai le sentiment qu'on ne la joue pas tres collectif. L'indien vaque a ses pratiques religieuses, la vie sociale vient apres, pour peu que les petits arrangements avec dieux et gourous lui en laisse le temps. Vous pensez bien qu'en montagne ce genre de comportement ne mene pas ben loin, aussi bienveillants soient les dieux. Ici, on rentre a 18 dans une jeep, on ne descends pas au marche dans la vallee sans en faire profiter tout le village. Ici on sourit, on se parle, il n'y a pas de fatalite, le quotidien depend trop de la solidarite dont temoignent les individus.

 

Aucun doute en rejoignant Darjeeling il y a bientot deux semaines, le sentiment d'etre enfin arrive a destination ! Avec cette paticularite tout de meme : la ville cultive un heritage britannique qui ne s'harmonise pas si mal avec l'architecture et la culture tibetaine. Avant que les tibetains ne viennent s'y rerfugier lors de l'annexion du Tibet par la Chine, les anglais avaient fait de Darjeeling une station d'altitude ou ils venaient echapper aux chaleurs de la plaine. Ils y ont developpe la culture du the aujourd'hui premiere economie de la region avec le tourisme. Quelques jours a glander dans les plantations, a profiter du sourire des cueilleuses de the (aussi charmantes que leurs consoeurs de Ceylan) m'ont fait le plus grand bien, autant pour l'esprit, quelque peu bouscule par le parcours indien, que pour mes grandes jambes qui allaient bientot souffrir en treck. Car si les hauts sommets himalayens sont difficilement visibles sous la couverture nuageuse, on les sait tres proches, protecteurs, et forcement , ils vous appellent...

 

Darjeeling, ce n'est pas encore le Sikkim, plus au nord. L'ancien royaume (independant jusqu'en 1975) est une minuscule enclave indienne, un territoire de 100 km2 cerne par les frontieres nepalaise, bouthanaise et chinoise. Zone strategique, le tourisme y est tres reglemente : permis obligatoire et couvre-feu a 21h. Cela en fait peut-etre un espace preserve du "trekkisme" de masse. Un Shangri-La (paradis himalayens), le dernier disent ceux qui ont use leurs semelles du Pakistan au Bouthan, par le Nepal et l'Inde... C'est vrai que cela y ressemble : habitants charmants, terrain accidente, valle profonde, riziere et cultures en terrasse, une flore remarquable en cette saison, le printemps. Un printemps pourtant nuageux et humide ! Le Sikkim est l'une des regions les plus arrosee du monde : 10 mois sous les nuages dont 8 de pluie ou de neige. Reste 2 mois apres la mousson d'ete pendant lesquels les sommets doivent etre visibles sans trop avoir a se fatiguer...  Mais la grimpette, moi,  j'y ai eu droit et tant mieux ! Un 8000 ca se gagne ! (et je ne parle la que du modeste trekkeur que je suis, infiniment petit devant l'alpiniste). Un 8000 ca ne s'apprecie qu'apres avoir bien morfle, avale du denivele avec toujours cette evidence en tete : on gagne forcement a aller encore un peu plus haut ! Incontournable.

 

On approche le  Kangchenjuga (8600 m, troisieme sommet du monde apres l'Everest et le K2) en 5 jours de marche, 3 supplementaires pour redescendre car a 5000m (point culminant du treck) on ne s'eternise pas bien longtemps... Pas autant qu'on peut le faire au Nepal ou l'on trouve chambres et bonnes tables jusqu'a cette altitude. Ici, rien. Parfois des huttes plutot pourries, toit et plancher douteux. Pas d'autonomie possible donc. Il est d'ailleurs obligatoire de s'attacher les services d'une agence et donc la compagnie de quelques autres treckeurs desireux d'en decoudre eux aussi. Pas malheureux de mettre entre parentheses mon epopee solitaire, surtout pour une telle marche ou la aussi il faut justement la jouer collectif. Car malgre le travail, l'attention, le devouement de nos accompagnateurs (guides, cuisiniers, porteurs : 6 tibetains et 6 yacks !) les conditions sont plutot difficiles : froid et surtout humidite. 5 nuits sous tente, 2 sous un toit, 8 jours de marche dont la plupart dans la brume... Il faut aussi se lever tot pour voir les pics qui nous dominent car ils ne se devoilent qu'a l'aube, pour 3 ou 4 heures seulement.

 

A l'approche des 4200/4500m, le paysage est deja bien moins contrarie par les nuages et c'est d'ailleurs la qu'il est vertigineux. L'approche a ete longue, difficile mais nous y sommes ! Entoures de pics qui culminent a 6000, 7000, 8000m. Plus de vegetation, plus de vie possible ici. Les vallees sont des moraines, vestiges de la course des glaciers dont il ne reste aujourd'hui que des reduits. Le silence... et parfois les craquements sourds qui fissurent l'interieur des glaciers. Nous y sommes donc car tout simplement on ne peut aller plus loin ! (quoiqu'une nouvelle route s'ouvre alors pour les alpinistes). Sur le Goeche La, un col a 5000m d'altitude, nous sommes face a l'arrete sommitale du Kangchenjuga. Elle nous domine encore de 3600m ! On savoure puis on entame la descente car il fait froid et que la rarefaction de l'oxygene donne parfois mal  a la tete. Sur le retour, on se lache ! WE DID IT ! Bientot ce sera enfin douches chaudes, Yack steack et grosse couverture ! J'ai quelques compagnons de treck bien allume(e)s et les guides qui nous escortent ne sont pas en reste. La derniere nuit, en refuge, on se fait une fiesta pas possible sous les chants et danses des nepalais. Un tel bordel que tout le village se pointe pour participer... Magique !

 

Hier, chacun a regagne Darjeeling pour de prochaines destinations. Pas moi. Je ne suis pas presse de retrouver la plaine mais j'y replongerai d'ici quelques temps. Pour le moment je savoure la quietude des petits villages du Sikkim,  et le sourire de ses enfants.... Je reflechis aussi a la prochaine etape, tres incertaine... Ou vais-je donc rencarder mes potes les hindous ? Sous la chaleur certainement mais peut-etre aussi la mousson  (genial !). Affaire a suivre...

Deux nouveaux albums photos, l'un sur Darjeeling et notamment  les artisans du Tibetan Self Help Center. L'autre sur  le trek au Kangchenjuga. J'espere d'ailleurs que vous le reconnaitrez ce pic ! Facile, c'est le plus haut donc le plus beau.

 

Toutes mes pensees depuis ces sommets enneiges.

 

Bertrand.

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O
<br /> Hé ! Bertrand ! T'as toujours ton couteau, ou tu te l'es déjà fait embrouiller ?<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Hey,<br /> <br /> <br /> Vous plaisantez ! J'en ai plus que jamais besoin, je viens de debarquer a Calcutta (...) Salle reput' peut-etre mais une cite bien delirante... jusqu'ici tout va bien...<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Bonjour Bertrand<br /> Voilà qui me fait voyager et me change de la<br /> grisaille de ce dimanche sur le Golfe, meme si la lumière est toujours superbe.<br /> Je vois que tu bouges pas mal, tes impressions sont intéressantes et<br /> donne envie d'aller refaire un petit bout par là-bas.<br /> Bonne continuation<br /> Pascal lemarechal<br /> <br /> <br />
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L
<br /> des photos toujours aussi chouettes !<br /> bravo et continu de nous dépayser !<br /> bises<br /> claire & reno<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Salut grand reporter !<br /> <br /> Belle tranche de vie que tu nous fais partager là...<br /> Si je réussis l'ascension des Monts d'Arée par la face nord le week-end prochain (conditions climatiques peu différentes : 0° le matin et crachin l'après-midi)crois-tu que je pourrai tenter le<br /> Kangchenjuga bientôt ?<br /> Bisous et bonne continuation !<br /> Anne-Catherine<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Demat Bertrand !<br /> je découvre avec ce blog tes talents d'écrivain (si si !) voire de journaliste (si tu préfères) et l'analyse pertinente de ta situation... cela me transporte loin de la morosité ambiante (après une<br /> quinzaine estivale, ce sont les seins de glace) et des problèmes de l'euro et d'autres spéculateurs bancaires ! Que d'émotion et de réflexion pour ce "break" hors du quotidien !<br /> j'attends avec impatience le prochain envoi.<br /> Hélène<br /> <br /> <br />
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